Les barrières à l’accès aux soins : validation de la BACE-3 française

H.Caci, M.Boggero, L.Mallet, N.Bedira, J.-Y.Giordana - 2022

Plus de la moitié des personnes atteintes d’un trouble psychiatrique n’a pas accès aux soins nécessaires dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement alors que des traitements efficaces existent. L’absence de recours à des soins de santé mentale en présence d’un diagnostic psychiatrique peut être interprétée comme un indicateur de l’existence de barrières d’accès aux soins. L’accès aux soins est un problème complexe avec un impact péjoratif sur les soins et la qualité de vie, et qui ampute les chances de guérison voire de survie. Au niveau mondial, un tiers des années de vie vécues avec un handicap (Years Lived with Disability, YLD) est imputable aux maladies neuropsychiatriques, quatre des dix premières causes étant des troubles psychiatriques.

Les politiques de santé visent à réduire les difficultés d’accès aux soins médicaux de la population. La diminution de l’effectif médical, l’hétérogénéité de leur répartition territoriale, et le vieillissement de la population touchent tous les pays développés, y compris la France. L’accessibilité spatiale aux soins est mesurée par la distance à l’offre de soins la plus proche (même depuis le lieu de vacances) alors que l’accès effectif des patients aux soins qu’ils consomment reflète leurs préférences. En santé mentale, le maillage territorial par les centres médico-psychologiques (CMP) et les secteurs de psychiatrie auxquels ils sont associés vise à réduire le premier de ces indicateurs.

Une revue systématique de la littérature montre que les facteurs sociodémographiques et le besoin ressenti d’un soin (lié à la gravité du trouble et à sa durée) influençaient la recherche d’aide par les patients déprimés. Le développement d’outils applicables à différentes pathologies psychiatriques est nécessaire pour mieux comprendre les facteurs causaux. Des raisons pour le non-accès aux soins (« treatment gap ») ont été avancées : problème de santé non reconnu, traitements perçus comme inefficaces, possible guérison spontanée, sentiment d’autonomie face à ses propres problèmes de santé. À ceux-ci s’ajoute un facteur important : la stigmatisation sous les trois formes décrites par Goffman. La stigmatisation publique (public stigma) caractérise le rejet collectif d’individus sur des critères intrinsèques ou perçus concernant leur aspect physique ou leur comportement. Intériorisée par l’individu stigmatisé, elle devient auto-stigmatisation et correspond à une image dégradée de soi-même. Elle repose sur des croyances négatives sur soi-même altérant l’estime de soi et l’auto-efficacité. L’individu stigmatisé sera amené à limiter des activités importantes pour lui comme la recherche d’aide, l’accès aux soins, l’adhésion à un traitement et sa poursuite ; en un mot, tout ce qui peut réduire les chances d’une rémission et un rétablissement. Enfin, la stigmatisation de courtoisie (courtesy stigma) correspond, elle, au jugement négatif porté sur les apparentés ou les proches de l’individu stigmatisé. Les pathologies dont l’origine est incertaine ou inconnue et les comportements imprévisibles sont deux facteurs de la stigmatisation publique qui jouent leur plein rôle dans les pathologies mentales. Des stratégies de résistance à la stigmatisation ont été décrites ou proposées, comme l’investissement au sein d’une communauté, l’humour ou voire une perception favorable par un groupe social. Au contraire, le secret, la divulgation sélective du diagnostic ou le fait de tenter de réfuter la stigmatisation publique peuvent avoir l’effet inverse.

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