Des recommandations internationales pour les actions de lutte contre la stigmatisation publique.

2024

Stuart, Arbeloda Florez et Sartorius, dans leur ouvrage « Paradigms lost » ont évalué les différentes campagnes et dressé un bilan critique sur leur efficacité. Ils évoquent, tout particulièrement, des idées reçues (mythes) concernant la stigmatisation de la maladie mentale, enseignées dans la littérature scientifique et qui doivent être remises en question.

Ainsi, ils questionnent la croyance selon laquelle « Les pays développés ont éradiqué la stigmatisation en rapport avec la discrimination ». Ils rappellent notamment que malgré le développement de cadres juridiques et sanitaires protecteurs les malades psychiques sont fréquemment confrontés à de faibles ressources économiques, à des difficultés d’accès ou de maintien dans l’emploi, à des problèmes d’hébergement ou encore à des difficultés dans les relations sociales, sentimentales, etc… De sorte que l’image du malade psychique auprès du grand public (le plus souvent relayée par les médias) est toujours extrêmement péjorative.

A propos de l’idée selon laquelle : « il y a moins de stigmatisation dans les pays émergents », ils notent que lorsque l’on examine les systèmes de compréhension de la maladie mentale et la manière dont elle est gérée dans 3 grandes cultures : Chinoise, Indienne et Islamique, l’idée d’une meilleure tolérance est battue en brèche.

Les maladies mentales sévères (troubles des conduites) y sont considérées comme honteuses et gênantes, les malades sont internés, sinon ils sont éjectés de la famille et sont condamnés au vagabondage.

Au sujet de l’opinion selon laquelle « la science est le meilleur guide pour créer des programmes » en référence à l’engouement pour l’Evidence Base Médecine. Ils tempèrent cette recherche d’un savoir objectif en raison de son caractèredécontextualisé de l’absence de prise en compte de la variabilité culturelle, d’une vision inadaptée au champ de la santé mentale.

De même, en ce qui concerne la conviction que « un savoir accru sur les maladies mentales éradiquera la stigmatisation », ils observent que

les connaissances et les explications sur la maladie mentale (données biologiques, neuro anatomiques, physio pathologiques, etc.) et les apports des neurosciences renforcent les stéréotypes et amplifient le clivage normal /anormal (fou) et augmentent le rejet social.

Pour l’affirmation « une attitude de changement est la clé du succès » ils s’interrogent : dans quelle mesure un changement est-il vraiment un changement ? En effet le plus souvent de grandes attentes aboutissent à un petit changement. Alors les participants au programme en viennent à se décourager, au point d’être convaincu (et de diffuser le message) que la stigmatisation ne peut être vaincue.

A la question « les campagnes anti stigmatisation fonctionnent elles ? » ils constatent que la plupart des campagnes anti-stigma ont un cout élevé et sont menées sur une durée limitée (max. 5 ans). Elles portent sur un public étendu et à l’issue, (lorsque les médias se tournent vers d’autres « causes du jour »), les malades et leurs familles se sentent délaissées Peu de choses ont changé et l’évaluation est difficile à mettre en place.

Enfin, ils se demandent s’il est légitime de considérer « les maladies mentales comme semblables à toutes les autres maladies ? ». Ils relèvent toutefois que ces maladies génèrent des fantasmes d’imprévisibilité, de violence, de dangerosité. Les personnes concernées témoignent fréquemment d’une peur des lieux de soins et des professionnels de santé. De plus, ces maladies suscitent des attitudes de rejet et d’isolement des patients.

Ainsi en raison de l’exclusion de ceux qui en souffrent se pose la question : « Est-ce bien une maladie comme les autres ?»

On peut encore retenir quelques idées forces pour réduire la stigmatisation :

  • Concevoir la maladie psychique et le handicap psychique comme s’intégrant dans un continuum d’états psychiques allant jusqu’au bien-être et non pas comme une catégorie. D’une manière générale, adopter une vision moins catégorielle et plus dimensionnelle pour éviter les étiquettes et la globalisation.
  • S’attacher à percevoir les similitudes entre [jg1] soi et la personne concernée par les troubles psychiques.
  • Accorder une place importante aux perspectives d’évolution vers le rétablissement.

L’association mondiale de psychiatrie (WPA) et l’organisation mondiale de la santé (OMS) ont identifié les grands principes sur lesquels doivent s’appuyer les campagnes :

La définition des objectifs doit être déterminés à partir du vécu même des victimes de la stigmatisation… et non à partir d’hypothèse théoriques ou des représentations des autres membres de la société.

La campagne doit prendre en compte la multiplicité des cibles : patients - familles - psychiatres - médecins somaticiens - enseignants - enfants scolarisés - médias - police - justice - acteurs communautaires

Il est souhaitable qu’elle fasse l’objet d’une alliance de nombreux acteurs et que le programme soit développé, mené et évalué par toutes les parties concernées.

Il convient enfin d’inscrire cette action de lutte dans un projet mené sur le long terme avec des manifestations régulières et continues, utilisant des moyens de communication diversifiés.

La direction Générale de la Santé, en charge de l’axe 1 de la Feuille de Route santé mentale et psychiatrie, axe dans lequel figure l’intérêt d’une large information destinée au grand public avec l’objectif de lutter contre la stigmatisation, a élaboré, dès 2019, un outil de repérage et de prise en compte des principaux critères de bonne pratique pour les actions « anti stigma ». Cet outil, construit à partir des données issues de la littérature internationale, a été largement diffusé par le Psycom avec l’appellation « GPS ». Mettre lien psycom

Le GPS s’appuie notamment sur les recommandations de la WPA (association mondiale de psychiatrie) et de l’OMS à la lumière des différentes évaluations des résultats des campagnes de lutte contre la stigmatisation menée de par le monde.

Le GPS Anti-Stigma prend en compte 6 dimensions essentielles.

Le critère 1 concerne la participation à l’action de personnes directement concernées par des troubles psychiques.

La préconisation de la WPA est de porter la plus grande attention au vécu même des personnes qui vivent avec un trouble psychique et de ne pas fondée l’action sur des hypothèses théoriques ou les représentations des autres membres de la société, au risque de véhiculer, sans s’en rendre compte, les stéréotypes de la société.

Il est attendu que les personnes participent à la construction et à la réalisation de l’action de lutte. L’action permet, en outre, de rencontrer et d’échanger avec des personnes directement concernées.

Le critère 2 fait référence à la promotion des droits des personnes concernées par des troubles psychiques.

Il s’agit ici de réaffirmer que les personnes atteintes de troubles psychiques sont des citoyens à part entière. L’action a vocation à lutter contre l’exclusion et les discriminations. Elle s’oppose à toute inégalité de traitement, inégalité d’accès aux services de droit commun, etc…

L’action permet de s’informer sur les droits généraux ou spécifiques des personnes concernées, de s’approprier leurs droits ou de défendre ces derniers.

Le critère 3 traite de la nature de l’information délivrée sur les troubles psychiques en priorisant les parcours de rétablissement.

Il s’agit de mieux connaitre les possibilités de se rétablir, de connaitre des moyens concrets pour aller mieux.

Il convient de ne pas réduire le trouble psychique à un diagnostic, à une étiquette pour ne pas être englué dans une identité de malade mental.

L’action apporte une information sur les troubles psychiques et sur l’importance d’une prise en compte globale des besoins de la personne, afin de favoriser son rétablissement (soins, accompagnement social, soutien social, entraide, accès au travail, à l’emploi, au logement, aux loisirs, respect des droits, etc.)

Le critère 4 rappelle l’importance d’un partenariat de proximité territoriale.

L’action bénéficie de l’alliance de différents protagonistes. Il est intéressant de faire en sorte que l’action soit développée, menée et évaluée par toutes les parties concernées.

Ainsi l’action est co-construite et réalisée par plusieurs partenaires agissant au niveau local (ex : CLSM, Collectif SISM, Atelier santé ville, associations de patients, services de soins et sociaux, médiathèques, cinémas, mairies, lycées, etc.)

Le critère 5 est en lien avec la définition d’un public cible.

Il apparait important de définir, le plus possible, le public visé par l’action (ex : jeunes, personnes âgées, élus, journalistes, etc.). Le message sera différent selon la cible identifiée. L’expérience montre que les messages génériques s’adressant au grand public ont peu de chance de faire évoluer les idées reçues ancrées dans l’imaginaire collectif. Le message, lui-même, doit être construit avec un langage adapté et faire référence à des préoccupations spécifiques.

Enfin le critère 6 prend en compte l’impact médiatique de l’action (TV, radio, presse écrite et web, réseaux sociaux)

Les médias sont des relais d’information incontournables. Ils constituent les sources essentielles des connaissances du grand public en matière de santé mentale. Ils touchent une large audience, proposent des supports variés et peuvent avoir une forte influence sur l’opinion publique.

Un septième Critère (ne figurant pas sur le visuel du GPS) vise à appréhender la durée ou la répétition de l’action dans le temps. Ce critère est bien souvent déterminant pour le succès de l’action.

Le GPS Anti-Stigma prend en compte 6 dimensions essentielles.

  • Critère 1 : Participation de personnes directement concernées par des troubles psychiques

Ces personnes participent à la construction et à la réalisation de l’action de lutte. L’action permet de rencontrer et d’échanger avec des personnes directement concernées.

  • Critère 2 : Promotion des droits des personnes concernées par des troubles psychiques

L’action permet de s’informer sur les droits généraux ou spécifiques des personnes concernées, de s’approprier leurs droits ou de défendre ces derniers.

  • Critère 3 : Information sur les troubles psychiques et les parcours de rétablissement

L’action apporte une information sur les troubles psychiques et sur l’importance d’une prise en compte globale des besoins de la personne, afin de favoriser son rétablissement (soins, accompagnement social, soutien social, entraide, accès au travail, à l’emploi, au logement, aux loisirs, respect des droits, etc.)

  • Critère 4 : Partenariat de proximité territoriale

L’action est co-construite et réalisée par plusieurs partenaires agissant au niveau local (ex : CLSM, Collectif SISM, Atelier santé ville, associations de patients, services de soins et sociaux, médiathèques, cinémas, mairies, lycées, etc.)

  • Critère 5 : Définition d’un public ciblé

L’action s’adresse à un public explicitement identifié (ex : jeunes, personnes âgées, élus, journalistes, etc.)

  • Critère 6 : Impact médiatique de l’action (TV, radio, presse écrite et web, réseaux sociaux)

L’action est relayée par un ou plusieurs médias, au niveau local, régional ou national

Modalité de cotation

  • Critère 1 : Participation de personnes directement concernées par des troubles psychiques

Ces personnes participent à la construction et à la réalisation de l’action de lutte. L’action permet de rencontrer et d’échanger avec des personnes directement concernées.

0 : Aucune personne directement concernée n’a participé à la constriction et à la réalisation de l’action

1 : Des personnes directement concernées ont été consultées pour la construction et la réalisation de l’action

2 : Des personnes directement concernées ont participé à la construction et la réalisation de l’action

3 : L’action a été co-construire et réalisée avec/par des personnes directement concernées (les personnes ont un pouvoir de décision sur l’action) et permet le contact et l’échange (ex : Portes ouvertes GEM, Forum rétablissement Ile-de-France)

  • Critère 2 : Promotion des droits des personnes concernées par des troubles psychiques

L’action permet de s’informer sur les droits généraux ou spécifiques des personnes concernées, de s’approprier leurs droits ou de défendre ces derniers.

0 : Aucune information sur les droits n’est transmise par l’action

1 : L’action contribue indirectement à la promotion des droits des personnes directement concernées

2 : L’action contribue directement à la promotion des droits des personnes directement

3 : L’action est centrée sur la défense des droits des personnes directement concernées. Elles se sont approprié leurs droits et les défendent (ex : Mad Pride, Advocacy, etc.)

  • Critère 3 : Information sur les troubles psychiques et les parcours de rétablissement

L’action apporte une information sur les troubles psychiques et sur l’importance d’une prise en compte globale des besoins de la personne, afin de favoriser son rétablissement (soins, accompagnement social, soutien social, entraide, accès au travail, à l’emploi, au logement, aux loisirs, respect des droits, etc.)

0 : L’action n’apporte aucune information sur les troubles psychiques et les possibilités de rétablissement

1 : L’action apporte des informations sur les troubles psychiques, mais pas sur les possibilités de rétablissement

2 : L’action apporte des informations sur les troubles psychiques et évoque les possibilités de rétablissement, de manière globale

3 : L’action apporte une information détaillée sur les troubles psychiques et sur les possibilités de rétablissement

  • Critère 4 : Partenariat de proximité territoriale

L’action est co-construite et réalisée par plusieurs partenaires agissant au niveau local (ex : CLSM, Collectif SISM, Atelier santé ville, associations de patients, services de soins et sociaux, médiathèques, cinémas, mairies, lycées, etc.)

0 : L’action n’est pas organisée via un partenariat de proximité territoriale (L’action est organisée par un seul acteur local ou par un acteur national)

1 : L’action est organisée par quelques acteurs locaux, relevant tous du champ psychiatrique (professionnels, usagers ou proches)

2 : L’action est organisée par plusieurs partenaires locaux, de domaines et compétences variés, réunis ponctuellement à l’occasion de cette action

3 : L’action est co-construite et réalisée par des partenaires ayant l’habitude de travailler ensemble sur un territoire (ex : Collectif SISM, CLSM, etc.)

  • Critère 5 : Définitiond’un public ciblé

L’action s’adresse à un public explicitement identifié (ex : jeunes, personnes âgées, élus, journalistes, etc.)

0 : Le public cible de l’action n’est pas clairement identifié par les organisateurs de l’action (implicitement c’est le « grand public »)

1 : Le public ciblé par l’action est globalement identifié par les organisateurs (« les jeunes », « les professionnels », « les patients », « les familles »), mais le format de l’action (message, pédagogie) n’est pas adapté au public ciblé

2 : Le public ciblé par l’action est identifié précisément, mais le format de l’action (message, pédagogie) n’est pas adapté au public ciblé

2 : Le public ciblé par l’action est explicite (le public est identifié précisément par les organisateurs dans la description de l’action, qui est construite spécifiquement pour ce public)

  • Critère 6 : Impact médiatique de l’action (TV, radio, presse écrite et web, réseaux sociaux)

L’action est relayée par un ou plusieurs médias, au niveau local, régional ou national.

0 : L’action n’a pas été relayée via les médias. Les médias n’ont pas été contactés

1 : L’information sur l’action a été diffusée et reprise a minima (ex : information sur les horaires et le lieu, mais pas sur le fond)

2 : L’information sur l’action a été diffusée et a fait l’objet d’un traitement médiatique en format court (ex : brève de quelques lignes sur l’action)

3 : L’information a fait l’objet d’un traitement médiatique mêlant analyse de fond et témoignages de personnes directement concernées

Il convient également de prendre en compte un septième critère même si celui-ci ne figure pas sur le graphique ci-dessous

  • Critère 7 : Répétition de l’action dans le temps

L’action est répétée dans le temps afin de favoriser les changements des idées reçues, attitudes et comportements stigmatisant

0 : L’action est prévue / a eu lieu une seule fois. Il n’est pas prévu de la refaire

1 : L’action est prévue / a lieu une fois dans l’année (ex : une action de sensibilisation dans une classe de collégiens)

2 : L’action a lieu / est prévue au moins deux fois dans l’année (ex : une action de sensibilisation répétée à 6 mois d’intervalle dans une classe de collégiens)

3 : L’action est programmée à fréquence régulière au cours de l’année (ex : un même programme de sensibilisation de collégiens répété pendant 4 ans)

Date de modification : 16 mai 2024

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