Comment lutter contre l’auto-stigmatisation ?

2024

Au plan individuel, apparaissent, également diverses modalités d’intervention.

De très nombreux travaux relèvent l’importance du vécu de légitimité. En effet si la plupart des malades psychiques ressentent la stigmatisation dont ils sont victimes comme légitime ou si d’autres manifestent une relative indifférence, certains éprouvent un sentiment de colère et d’injustice en raison du préjudice subi.

Le fait de penser que cette discrimination n’a aucune légitimité semble être un facteur protecteur contre l’auto stigmatisation.

Quels sont les fondements des stratégies d’intervention visant à réduire l’auto stigmatisation ?

Firmin conçoit la résistance à la stigmatisation comme un processus continu qui consiste à utiliser ses expériences passées, ses connaissances et ses compétences pour agir à 3 niveaux : personnel (ne pas croire et ne pas s’appliquer les stéréotypes stigmatisant, s’autonomiser en développant des compétences en santé mentale, poursuivre son parcours de rétablissement, développer un sentiment d’identité positive) ; des pairs (partage d’expériences) ; du grand public (partage d’expériences vécues et plaidoyers).

Thoits (2011) (25) puis Stuart (2017) insistent sur l’autonomisation (reprendre le contrôle de sa vie), la compensation (acquérir des compétences), ainsi que le fait de filtrer son environnement social pour protéger la confiance en soi, et de protéger son bien-être psychologique en assumant ses rôles sociaux.

Ils identifient plusieurs stratégies pour lutter contre l’auto stigmatisation : défier et confronter la stigmatisation publique et rejeter les stéréotypes – dévier et contourner les stéréotypes négatifs (la maladie mentale n’est pas une caractéristique qui définit son identité) – éviter, renoncer au dévoilement – restaurer l’estime de soi par comparaison à d’autres malades.

Quelles interventions thérapeutiques ?

K.M. Fung (2011) propose un programme intégrant des éléments de psychoéducation, de thérapies cognitives et motivationnelles, d’entraînement aux habiletés sociales, de réalisation d’objectifs à un groupe d’une trentaine de malades souffrant de schizophrénie et qu’il compare à un groupe appareillé bénéficiant d’une activité de lecture de presse. Il note dans le premier groupe une diminution des troubles de l’estime de soi, une augmentation de l’envie de changer ses comportements, une augmentation de l’adhésion traitement.

Depuis lors, plusieurs programmes se développent : tel que le programme NECT (Narrative Enhancement and Cognitive Therapy) développé par une équipe Américaine (Lysaker – Roe – Yanos 2012) et maintenant traduit en Français. Il s’agit d’un programme de renforcement narratif et de thérapie cognitive de l’auto stigmatisation qui vise à accroitre les capacités à reconnaître les préjugés négatifs concernant les troubles psychiques et les rejeter, à modifier certaines croyances dysfonctionnelles qui peuvent entraver la participation sociale ou l’accès à l’emploi, et qui vise à favoriser le développement d’une identité positive au-delà de la maladie afin de contribuer au processus de rétablissement, de renforcer le pouvoir d’agir, de favoriser l’adhésion aux soins afin de prévenir la survenue de rechutes.

Ce programme se déroule en 12 séances de 2 heures et se décline en 5 parties :

  • Une introduction qui a pour objet de distinguer la personne de sa maladie. Comment les participants perçoivent leur maladie et se perçoivent eux-mêmes par rapport à leur maladie.
  • Un volet de psychoéducation apportant des informations sur la stigmatisation, l’auto stigmatisation et le rétablissement, la critique des préjugés concernant les troubles psychiques, les conséquences négatives de l’auto stigmatisation, ainsi qu’une réflexion sur les enjeux de la divulgation. L’objectif est, au final, d’apprendre à ne pas croire aux stéréotypes péjoratifs et ne pas adopter les attitudes stigmatisantes dirigées envers soi-même.
  • Une action de restructuration cognitive prenant en compte les pensées et les émotions (séquence : situation – pensée – émotion – comportement). Il s’agit de prendre conscience que nos pensées ont un impact sur nos émotions et que nos émotions ont un impact sur nos comportements. Ainsi les pensées négatives sont déstabilisantes et contribuent à l’auto stigmatisation, les conduites liées à l’auto stigmatisation. La gestion des pensées négatives peut faire appel à des stratégies différentes telles que le recours à des pensées alternatives ou à un dialogue interne positif).
  • Une étape de renforcement narratif portant sur différentes modalités de narration en fonction de sa situation personnelle, de ses ressources face à la maladie, de ses forces et de ses réussites. Cette partie, consacrée à la narration de soi a pour objet de se dégager de l’identité « malade » pour donner un sens à son expérience afin de parvenir à une conception plus intégrée de soi-même.
  • La dernière partie du programme consiste en une évaluation de l’évolution de la personne au travers de ces interventions.

Un autre programme, le programme HOP (Corrigan 2012) traite plus particulièrement la question du dévoilement à autrui.

Le dévoilement est envisagé comme une stratégie pour lutter contre la stigmatisation et une manière de militer contre les stéréotypes. Dévoiler sa maladie pourrait contribuer à reprendre du pouvoir sur sa vie et à renforcer son estime de soi.

Le dévoilement (ou non) est une préoccupation importante dans un processus de rétablissement cependant le non-dévoilement n’est pas un mensonge mais parfois une protection.

L’objectif de ce programme est de soutenir la personne face au dilemme que représente la décision complexe de dévoilement.

Le déroulé de ce module est basé sur des données probantes.

Ce programme est mené sur trois séances d’une heure trente chacune. Il regroupe de trois à six personnes et est animé par deux médiateurs de santé pairs.

La première séance est consacrée à l’évaluation des avantages et des inconvénients du dévoilement à court et à long terme.

La deuxième séance amène à prendre en considération les différents degrés de dévoilement depuis l’évitement social jusqu’à la diffusion ouverte de son expérience de la maladie. Une réflexion est portée sur la manière d’identifier les personnes les plus propices pour se dévoiler et la manière de gérer les réactions suscitées.

La troisième séance a pour objet d’apprendre à raconter son histoire, de choisir ce que l’on désire partager, ce que l’on souhaite garder pour soi.

Une séance de rappel, à un mois, permet un retour au groupe, d’avoir eu la capacité ou non d’expérimenter les acquis de ce programme.

Ainsi il apparaît que l’auto stigmatisation est une barrière majeure au rétablissement notamment en limitant le recours et la participation aux soins. Pour cette la mise en place de modules « simples » ayant pour finalité de réduire l’auto stigmatisation, d’améliorer l’estime de soi ainsi que l’efficience globale de la prise en charge thérapeutique et au final la qualité de vie de ces personnes.

Ainsi si la stigmatisation et l’auto stigmatisation sont une barrière majeure au rétablissement et limitent le recours aux soins, il apparaît important de repérer et d’évaluer ces phénomènes en pratique clinique pour réduire l’impact des stéréotypes négatifs sur la vie de la personne directement concernée.

Il est possible d’avoir recours à des modules simples ayant pour finalité un impact positif sur l’estime de soi, la confiance en soi et qui permettent bien souvent d’améliorer l’efficience globale de la prise en charge thérapeutique des personnes ayant une affection psychiatrique. De fait, réduire la stigmatisation et l’auto stigmatisation permet d’améliorer la qualité de vie et d’accroître l’accès au rétablissement

Date de modification : 15 mai 2024

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