« Somnolence : un signe possible de trouble de santé mentale à détecter »

Santé Publique France - 2025

Il existe un lien certain entre sommeil et santé mentale. Être en dette de sommeil de façon chronique et excessivement somnolent la journée doit alerter sur l’état psychique. Inversement, la survenue d’un trouble psychiatrique influence la capacité à bien dormir et le risque de somnolence diurne. En cette année où la santé mentale a été décrétée Grande cause nationale par le Gouvernement, le Dr Marc Rey, médecin neurologue, spécialiste du sommeil et Président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), fait toute la lumière sur ce sujet.

1. La qualité et la durée du sommeil influencent-elles notre état de « bien-être émotionnel » ?

Tout à fait ! Le sommeil joue non seulement un rôle sur le plan physiologique et neurologique (consolidation mnésique, capacité à être attentif et à se concentrer), mais également sur la santé mentale. Les services secrets connaissent bien l’influence négative de la privation de sommeil sur la capacité de résistance psychologique. Le fait d’être en privation chronique de sommeil induit une dépression, majore l’anxiété et l’irritabilité.
Ainsi, à partir de 2020 les enquêtes de l’INSV et de Santé publique France (CoviPrev) ont montré simultanément la dégradation du rythme veille-sommeil et l’aggravation des souffrances psychologiques liées au confinement, avec une augmentation de l’anxiété et des symptômes dépressifs. Le suivi de ces paramètres indique bien la relation entre santé mentale et sommeil.

2. Quels sont les principaux signes de l’insomnie ou d’une dette de sommeil sur notre santé mentale ?

Il faut préciser que l’on ne parle pas d’une dette aiguë de sommeil. Passer une nuit blanche n’a pas de répercussions négatives. Il s’agit plutôt de privation chronique de sommeil qui induit une somnolence diurne, donc, une baisse de la capacité d’attention avec davantage de difficultés à se concentrer. On risque de se sentir moins performant avec l’envie de ne rien faire d’autre que dormir. Ce sont là l’ensemble des signes observés dans la dépression : une dévalorisation de l’individu, la perte de motivation et d’attention.
La somnolence diurne est un signe d’alerte à évaluer. Inversement, avoir des signes de dépression doit conduire à s’interroger sur son sommeil.

3. Stress et charge mentale impactent souvent le sommeil. Comment y faire face ?

Le stress est en effet générateur d’insomnie, mais crée aussi de la somnolence diurne avec un moins bon éveil et des répercussions négatives, engendrant une sorte de cercle vicieux.
Pour y remédier, une bonne hygiène de sommeil est nécessaire, ce qui nécessite de savoir si ses besoins sont couverts. Certaines personnes sont plutôt « du soir » et ne peuvent pas s’endormir avant minuit. Les personnes « du matin » se réveillent à 5 ou 6h du matin, ce qui n’est pas forcément un signe de trouble du sommeil ou de dépression.

Pour limiter le stress, il est recommandé des temps de « mise à distance » de l’actualité, notamment sur les réseaux sociaux, qui déstabilise et fait le lit d’un état anxieux. Mieux vaut lâcher les écrans au moins une heure avant le coucher et prévoir un sas de décompression entre le moment où l’on décide d’aller au lit et celui où l’on veut dormir, via la méditation ou des activités relaxantes. On peut aussi conseiller de noter tout ce qu’il y a à faire le lendemain avant d’aller se coucher.

Pratiquer une activité physique ou « stimulante » dans la journée de façon à évacuer le stress est également essentiel. Le sommeil sera de meilleure qualité si la veille l’a été.

Il faut également interagir avec les autres et trouver des espaces de rire, parce que le rire est un élément très important pour notre santé mentale et pour notre sommeil.

4. Le sommeil des personnes atteintes de maladies psychiatriques ou troubles psychiques est-il plus fragile ?

Oui, il l’est. Les psychiatres savent depuis des années que les perturbations du sommeil font partie intégrante des symptômes observés dans les maladies psychiatriques. Une personne déprimée se réveille généralement vers 3 ou 4 h du matin et a du mal à se rendormir. Les patients anxieux ont des difficultés à s’endormir. Les personnes avec un trouble délirant présentent un rythme veille-sommeil très anarchique. Les troubles bipolaires occasionnent, soit une absence totale de sommeil lors d’accès maniaque, soit des phases de sommeil diurne suivies de somnolence quand la dépression survient.
C’est pourquoi, de plus en plus de psychiatres analysent et traitent désormais le sommeil à part entière. Ils ont compris que prendre uniquement en charge la maladie psychiatrique ne suffit pas à supprimer les troubles du sommeil.

5. Quel est l’usage recommandé des médicaments contre l’insomnie, benzodiazépines et apparentés ?

En premier lieu, il est important de ne pas stigmatiser les personnes à qui l’on a prescrit des médicaments du type benzodiazépines, d’autant que, dans la maladie mentale, les prescriptions psychiatriques ne sont suivies que par la moitié des patients.
Ces traitements sont une arme à notre disposition. Ils peuvent être très utiles à condition que la prescription ne dépasse pas 3 semaines. Dans le cadre d’une anxiété généralisée, la prise d’anxiolytique est néanmoins souvent plus longue. Mais le médicament doit toujours s’insérer dans un projet thérapeutique global.

Pour la population générale, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rappelle que le traitement de première intention contre l’insomnie est la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et pas forcément le recours aux médicaments. [Résumé éditeur]

Chiffre clé :

1 Français sur 4 dort moins de 6h par nuit

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